Nicolas a rejoint l'équipe Precious Plastic à l'automne 2018, l'objectif : offrir ses services de webdesigner au projet en échange d'une expérience unique et collective. Durant 1 an, lui et plus de 100 autres volontaires ont partagé leurs vies, vécu au même rythme et travaillé pour faire naître la version 4 du projet. Une version qui permet à tous de recycler le plastique, grâce à des plans de machines, des tutoriels de création, et une entraide communautaire à travers le monde.
[RUE DES PINSONS] Nicolas, raconte nous cette expérience et ce qu’elle a changé dans ta vie …
Pour replacer un peu le contexte on était donc une trentaine de volontaires à Eindhoven en Hollande, mobilisés par Dave Hakkens, grâce à un prix de 300 000 € que le projet avait reçu. Mais il faut bien imaginer que 300 000€ pour une année de projet comme celui-ci avec logements et nourritures pour 30 personnes ou plus c’est bien peu. Donc c’était un peu une vie low-tech également. Nous vivions par exemple dans des maisons, toutes proches les unes des autres, mises à disposition par la mairie en échange de loyers vraiment minimes (les Pays-Bas ont des politiques anti-squatting pour les logements en voie de démolition). Elles étaient situées à 10-15min en vélo de notre atelier (oui c’est la Hollande tout se fait en vélo et c’est trop cool) . Toutes les maisons étaient vides quand on est arrivés, donc on a du tout meubler en chinant ou récupérant des trucs gratos. Par exemple, mon lit c’était 2 palettes avec un matelas posé dessus. Ces maisons sont aujourd’hui démolies.
Et tout était mélangé au quotidien: la gestion des maisons, la vie en communauté, l’organisation du projet etc.. C’était comme construire une entreprise pendant un an en même temps qu’une communauté, avec zéro expérience au départ.
[RDP] Oui, humainement ça doit être fou aussi, se retrouver 24h/24 avec les mêmes personnes que tu ne connais pas du tout..
Oui, ça nous as tous liés très vite. Comme une famille. Et au fur et à mesure la confiance s’installe, tu te sens chez toi, tu penses même plus à toi mais au groupe. Tu n’es plus que toi, tu es aussi le groupe. Et c’est un sentiment extraordinaire. Je souhaite à tout le monde de vivre ça au moins une fois, juste pour avoir un point de comparaison avec une vie dites “classique”.
Et sur un niveau plus professionnel, c’était parfois compliqué, mais aussi et surtout extraordinaire. On a pu avoir quelques désaccords car on venait tous d’univers différents. Du monde open-source et universitaire avec pas ou peu d’expériences professionnelles et des gens comme moi avec un parcours pro déjà bien avancé et donc une vision plus commerciale du “marché”.
Travailler dans cette communauté permet d’énormément progresser et de dépasser ses propres compétences, comme par exemple ne pas se contenter que de la « créa » (créer des maquettes, des logos…) mais essayer d’avoir une vision plus globale, en essayant de faire du marketing ou de la stratégie.
[RDP] Maintenant que la V4 est lancée, est-ce que vous continuez de travailler sur le projet ? vous restez en contact ?
Oui, on suit le projet à distance disons, et on monte d’autres projets parallèles, comme par exemple « Beyond Plastic » qui a l’ambition de créer des solutions alternatives à la matière plastique, un autre projet autour de la mode, sur le même principe que Precious Plastic, mais pour combattre les déchets textiles et un autour de la vie autonome, « Project Kamp ».
L’objectif final étant de réunir tout ces projets autour d’une même bannière, d’un même mouvement qui s’appellera One Army … ça fait beaucoup et ça prendra du temps, mais c’est excitant.
En revanche, la structure change : il n’y a plus tous ces volontaires réunis à Eindhoven. Et de mon côté, je ne peux donc plus prendre part entièrement au projet. Mais j’y participe toujours. Car ça fait partie de moi maintenant. C’est ma famille. Donc je fais toujours le max pour aider la cause.
[RDP] Tu es revenu de cette expérience transformé, avec une philosophie et un engagement fort sur les sujets écologique, éco-responsable et technologique, quels sont tes projets maintenant ?
Effectivement, il n’y a pas de retour en arrière possible pour moi. Mon travail ne peut être que lié à un engagement écologique et social. Je pense qu’on ne vit pas de la bonne manière sur cette planète, donc je vais essayer de changer les choses sur le sujet que je maîtrise le mieux déjà : le web. Actuellement, j’ai créé mon studio HeyLow, le but est de créer de beaux sites internet à l’empreinte carbone réduite. Nous avons déjà travaillé sur deux projets passionnants : le site du World localization Day et celui du Sathyam Project .
J’ai aussi très récemment décidé de quitter le monde des réseaux sociaux, je ne suis plus sur facebook, instagram et whatsapp. Et ce faisant j’ai imaginé une newsletter appelée Digital Compost : l’idée c’est d’ouvrir la conversation pour explorer de nouveaux moyens de communication – ou relancer des anciens- sur Internet. Ce sera une newsletter dans un premier temps.
Tout part du constat qu’on se retrouve de plus en plus sur un Web très centralisé dominé par quelques entreprises comme Facebook et Google. Et que ces entreprises sont clairement des dangers pour nos sociétés. Elles accélèrent et profitent de la prolifération des fakes news, du racisme, du climato-scepticisme etc… Trop c’est trop. Il faut trouver une autre voie !
Bien sûr les réseaux sociaux aident aussi à promouvoir des mouvements citoyens, écologistes etc.. Mais quand, en même temps, ils font la promotion des fascistes et les font gagner (Trump, Brexit etc..) quel est l’intérêt de continuer à suivre ces règles du jeux là où les dés sont déjà pipés..?
Et sachant que je commence à avoir un peu d’expérience avec les outils digitaux je me dis que je suis peut-être à la bonne place pour guider les gens, lancer la discussion et expérimenter d’autres voies.
[RDP] On court s’abonner à Digital Compost alors, parce que Rue des Pinsons adore les nouveaux moyens de compostage tu sais ! Bon on va finir sur tes inspirations, tu as quelques conseils de projets/personnes à suivre absolument pour #ChangerDemain ?
- le Low Tech Lab et tous les projets autour des low-techs (comme Precious Plastic). Ils voyagent et documentent des techniques low tech pour créer de l’énergie, créer des douches qui consomment peu. Pour moi c’est l’avenir. C’est réparable, accessible à tout le monde, et peu consommateur d’énergie.
- C’est pas trop un projet mais la permaculture est clairement une énorme inspiration pour moi. J’ai fait un stage de 2 semaines en design en permaculture et c’est beaucoup plus que du jardinage et de l’agriculture. Ça va beaucoup plus loin que ça, ça permet de repenser comment on vit sur cette planète.
- Le Transition Network (entransition.fr), mais en particulier le travail de Rob Hopkins. Son dernier livre sur l’imaginaire est incroyable. J’adore ce type.
- Adèle Haenel : son inflexibilité (je ne trouve pas le mot juste) est une force incroyable. On devrait être tous comme ça, sur tous les sujets importants. Dire non haut et fort. Je ressens la même chose, sur un tout autre sujet, avec Precious Plastic et One Army. Juste dire “allez bien tous vous faire voir (pour rester poli) maintenant on va faire à notre manière et on se barre de votre monde”.