Le Relais, acteur clé du recyclage textile – Rencontre avec Nathanaëlle (1/3)

Rencontre avec Nathanaëlle, dont la seconde main a été oubliée sur la photo… mais pas dans l’article qui suit 😀
Le Relais est un acteur incontournable quand on cherche à
en savoir plus sur le surcyclage & le recyclage du textile en France. Présent sur tout le territoire grâce à ses conteneurs de collecte, ceux-ci ne sont que la partie émergée de l’iceberg… quand on se rend dans un centre de tri, on réalise vraiment l’ampleur de la tache … ou du problème. 
20 tonnes de textile arrivent par jour au seul Relais Gironde, il s’agit là d’un vrai défi industriel de collecte, de tri et de valorisation. 

Rencontre avec Nathanaëlle Pineau, responsable de la
vente aux professionnels du Relais Gironde, engagée depuis plus de 10 ans dans la valorisation du textile de seconde main et l’accompagnement aux entrepreneurs qui souhaitent s’engager dans cette voie. 

 [Rue des Pinsons – RDP] Bonjour Nathanaëlle, merci de nous accorder de ton temps encore une fois, pour ceux qui ne connaîtraient pas ou peu le Relais, peux-tu nous rappeler qui vous êtes ?

Oui, bien sûr, alors Le Relais existe depuis 1984, c’est un organisme présent sur tout le territoire français, on doit avoir une trentaine de sites aujourd’hui en France. On est une SCOP, une coopérative, mais qui finalement regroupe pas mal d’activités différentes, il y a la collecte d’habits, mais pas que, on peut trouver de l’immobilier d’insertion solidaire par exemple,

Historiquement on vient d’Emmaüs, et on est quelque part la version industrielle d’Emmaüs, Le Relais est structuré comme une vraie entreprise avec une véritable activité industrielle, et le but comme le nom l’indique, c’est de faire « Le Relais », d’offrir grâce à cette activité industrielle des emplois qui permettent aux personnes qui en ont besoin de retrouver une activité, un statut social, un équilibre dans leur vie.

 [RDP] Quel est votre différence avec Emmaüs ?

Le lien avec Emmaüs est historique, mais on n’a pas la même vocation, ni les mêmes exigences de rentabilité, puisque nous en avons un au Relais. Nous faisons partie de L’économie Sociale et Solidaire  – #ESS – , c’est-à-dire que l’économie est un outil de solidarité et cette réalité peut effectivement poser questions aux gens qui donnent ou qui ne savent pas s’ils doivent donner, ou à qui donner. Si vous donnez au Relais, vos dons seront collectés, triés et valorisés, ils ne seront pas redonnés gratuitement. Nous, nous avons avons une mission d’insertion économique, et qui dit insertion économique dit salaires à payer et même si on est soutenu par l’Etat pour les contrats aidés, on a quand même énormément de postes créés autour de l’activité textile et donc des salaires, des charges salariales et les charges de l’activités, ce qui justifie qu’on ait un vrai modèle économique avec une activité commerciale.

Les Cages du Relais s’empilent jusqu’au plafond de l’Atelier,
triste résultat de notre surconsommation textile

[RDP] Donc l’existence du Relais répond à un besoin de collecter et trier le linge dont les gens ne se servent plus, mais c’est aussi et surtout une excuse pour offrir des emplois de réinsertion ?

Oui exactement, le textile est un prétexte, d’autres entreprises travaillent sur ce modèle : le papier pour Elise , l’électroménager pour Envie , ce sont des modèles comparables et qui utilisent le recyclage comme opportunité d’emploi d’insertion.

On s’appuie sur un besoin, une activité économique de recyclage, cela permet des postes de taches dit basses qualifications et donc tu peux débarquer avec un parcours chaotique, ou des lacunes en Français, et pouvoir prétendre à un emploi.

[RDP] Est-ce qu’il y a aussi des boites privées qui proposent ce genre de service de recyclage ?

Oui ca peut donner lieu à de l’opportunisme, de boites privées.

Il peut exister des concurrents privés, c’est très bien de donner à plein d’acteurs, le but est de recycler le linge donc Donnez ! Le relais ne manque pas de linge, mais c’est vrai que c’est important aussi que les gens se renseignent sur les organismes à qui ils donnent et sur la loyauté de la structure.

[RDP] Raconte-moi ici au Relais Gironde, vous êtes combien ?

On est actuellement entre 95 et 100. Ca change un peu chaque jour, 70% des gens sont en contrat d’insertion, le reste sont les permanents soit de l’équipe support comme moi (administratif, gestion commerciale…) soit permanents car on leurs a proposé un CDI après leur période d’insertion. Par exemple une personne de 50 ans qui passe par chez nous, il est difficile de la renvoyer vers le monde du travail classique, on sait qu’à cet âge elle va avoir beaucoup de difficultés à retrouver un poste, donc on fait tout pour lui en proposer un ici pour qu’elle conserve sa stabilité

[RDP] Ah oui vous avez cette réflexion-là…

Oui bien sûr, c’est important d’en avoir conscience. Ainsi, certains emplois sont parfois pérennisés mais ce n’est pas la vocation du Relais, l’idée étant de proposer un emploi de réinsertion pendant 2 ans afin de lutter contre l’exclusion, de sortir de situation difficile, chômage longue durée, éloignement de l’emploi pour différentes raisons.

Donc ce n’est pas seulement retrouver un emploi, mais c’est aussi avoir un suivi socio-professionnel qui est dispensé par une équipe, qui fait du très bon boulot, puisque sur 2019, on était sur 75% ou 80% de sortie Dynamique = donc avec soit une formation ou un emploi à la clé.

[RDP] Si on parle du Relais Gironde, comment se passe votre activité, vous avez des bornes sur le territoire de toute la Nouvelle-Aquitaine ?

Oui il y a actuellement 999 bornes présentes sur le territoire, qui servent au travail du Relais et quelques-unes que l’on prête ou loue à des associations locales, pour soutenir leur activité. Comme l’association La Tresse en Dordogne par exemple, que nous soutenons de cette manière. Ils sont sur un même modèle que nous mais en plus petit.

20 tonnes de textile par jour sont collectées sur la Nouvelle Aquitaine.

Nathanaëlle Pineau, Le Relais Gironde

 [RDP] Une fois que tout est collecté dans les bornes, tout arrive ici à l’Atelier de Bordeaux

Oui, 20 tonnes par jour sont collectées sur la Nouvelle Aquitaine.

Le trajet du linge c’est déjà la collecte grâce à une équipe de chauffeurs-collecteurs, qui va rapporter le fruit de sa collecte de la journée à l’atelier de tri ici à Bordeaux Bacalan.  Ensuite, le tri commence , la plus belle qualité est triée pour partir en Boutique – les boutiques Ding Fring-  et ensuite on répartit les vêtements selon la qualité et d’autres critères comme la chaleur par exemple. En ayant 2 débouchés principaux, qui sont le recyclage et le réemploi.

Le réemploi, c’est le terme générique pour dire que c’est reportable, une qualité suffisante pour resservir comme vêtement. Et dans le réemploi, on compte aussi la catégorie boutique qui représente environ 6% de la production totale et le reste c’est une qualité 2 et 3 légèrement inférieure, qui correspondent à un état existant de vêtement pour lequel il n’y a pas de demande en France. La quantité de textile réemployable qui va partir en export est donc la plus importante, elle représente 30 à 35% des 20 tonnes que l’on reçoit par jour (donc environ 7 tonnes/jour).

C’est un état de fait, cette qualité intermédiaire ne trouve pas sa place sur le marché du recyclage français, puisque même sur le marché de la seconde main, en France on a une grande exigence de qualité.

Nous ne sommes pas responsables de cette réalité, les acteurs du recyclage font aussi avec la structuration existante du secteur. Il y a des choses sur lesquelles on peut progresser en interne ou sur notre métier, et il y a des choses sur lesquelles on n’a pas d’emprise.

[RDP] C’est La mentalité des gens dont tu parles ?

Oui et non. C’est-à-dire que moi, quand j’étais petite et que mes parents m’emmenaient au marché de Saint-Sernin à Toulouse, il y avait des vêtements de tout état sur les étals de Seconde main, et puis on  a vu tout ça évoluer avec l’éruption de vêtements neufs d’importation asiatique, qui propose du coup sur les marchés aux puces ou dans des boutiques des articles à des prix très bas, pour rien du tout.

Le contexte de la seconde main a été totalement bouleversé, les réflexes d’achat ont changé et cette qualité qui arrive en grande quantité ici ne trouve pas preneur.

Ces catégories 2 et 3 vont donc partir en Export, en Afrique notamment, on travaille en partenariat avec des Relais à Madagascar, au Sénégal, et au Burkina Fasso, on a aussi un client très régulier au Rwanda. On prépare pour eux ce que nous appelons du «Mélé », un mix de linge homme femme enfant, et eux vont ensuite le recatégoriser sur leurs lieux de vente localement.

 [RDP] C’est intéressant ce point sur le « marché de la seconde main qui a évolué », je ne l’avais pas vu comme ça… effectivement le contexte a évolué. Il y a 30 ans ou même 20 ans, acheter des vêtements de seconde-main ça n’avait rien à voir avec aujourd’hui, car les vêtements neufs étaient vraiment plus cher que ceux d’occasion et l’offre dans les magasins moins variées… Il devait donc être plus simple de vendre différentes qualités de Seconde Main. Cela fait sens avec les chiffres de l’ADEME qui explique que entre les années 90 et aujourd’hui, on achète 2 fois plus de vêtements qu’avant, que l’on porte 2 fois moins. L’arrivée de la Fast Fashion et des vêtements à prix ridiculement petits a tout changé…

Découvrez la suite de notre échange avec Nathanaëlle qui nous explique la mission du Relais, son parcours depuis les Arts Déco de Strasbourg, sa vision de l’avenir et des innovations du secteur qu’il faut suivre de près.

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